La bille d'argent

Depuis plus de vingt ans, mon ami Lionel vit

avec une schizophrénie et travaille à Cap Décou-
verte, l’ancienne mine de charbon de Carmaux

reconvertie en base de loisirs. Mais aujourd’hui,
il a un rêve modeste et tenace : organiser un
tournoi de flipper au café du centre de Carmaux,
là où il joue tous les jours.
La cinquantaine bedonnante, Lionel est un joueur
exceptionnel. En ménage avec un flipper dernier
cri dans son petit T2, il s’entraîne tous les jours.
Après s’être retiré des tournois au déclenchement
de sa maladie, alors vice-champion de France, il

réapparaît doucement dans quelques compéti-
tions locales. Il n’a rien perdu de son talent.

Son rêve d’aller un jour à Chicago, visiter la seule

usine qui fabrique ces flippers, flotte à l’ar-
rière-plan. Plus concrètement, il cherche à re-
vendre sa machine pour en acheter une nouvelle.

Et il me parle, ouvertement, de sa schizophrénie
en m’emmenant dans les recoins du territoire de
Carmaux.
Je viens le voir régulièrement. Il me montre son
quotidien, ses gestes, son humour. On fait des
listes de tournois. Il me présente ses proches :
les habitués du café, Dan, son ami le plus proche,
et Claude, le frère de Dan, ouvrier à la verrerie
d’Albi.